Gardez les yeux ouverts, ils vous observent…

Avis du rédacteur

L’Âge du capitalisme de surveillance – Shoshana Zuboff – 2019

On se souvient d’Edward Snowden dans le documentaire Citizenfour de Laura Poitras, enfermé dans sa chambre d’hôtel, attendant son extradition pour avoir dénoncé l’espionnage numérique à grande échelle de la NSA…

C’était haletant, angoissant… mais avec le recul, et surtout à la lumière du capitalisme de surveillance, on comprend que ce n’était que le menu fretin d’un monde bientôt sous l’emprise d’une dictature numérique globale, incontournable… Un monde où certains dirigeants pourraient être de plus en plus tentés d’imposer un univers aussi glaçant que celui dépeint dans l’œuvre culte d’Orwell, 1984.

Vous vous doutiez que vos smartphones vous observent, vous les soupçonniez même de vous écouter, de s’immiscer dans votre vie privée… Vous êtes loin du compte. Avec le capitalisme de surveillance, vous comprenez comment les grandes entreprises du numérique accaparent – avant même que le législateur puisse tenter une quelconque régulation – vos données pour mieux vous cerner, anticiper et surtout monétiser vos comportements.

Les politiques de confidentialité signées sont en réalité, dans la plupart des cas, des politiques de surveillance. Les trackers et cookies sont partout, ils vous localisent… vous espionnent… Le micro de votre smartphone fonctionne inopinément… Les applications de santé font fi du secret médical… etc. etc. Le business de ces mastodontes est de promettre toujours plus de précision dans l’anticipation de vos comportements, la détermination de vos achats futurs. Le « surplus comportemental » est une ressource intarissable et pérenne de revenus pour les géants du Net, qui vous observent avec ou sans votre consentement. A terme la promesse pour les annonceurs, d’écouler leurs services ou leurs marchandises, quoi qu’il en coûte.

On peut reprocher à l’autrice son obsession pour le phénomène. Le livre est épais, très épais, extrêmement bien documenté – il s’apparente à une thèse universitaire sur le sujet. C’est, selon moi, son principal défaut : tellement fourni qu’il en devient indigeste. On risque le décrochage. Me concernant, ce fut un peu après la moitié du livre.

L’autrice ne surestime-t-elle pas le phénomène ? Ces outils sont-ils réellement capables de nous diriger à terme ? Les risques ne sont-ils pas le revers de la médaille du progrès et des avantages du monde numérique ?

Néanmoins, l’ouvrage est précis et démontre comment, pour pérenniser leur modèle, ces entreprises ont renoncé à tous leurs principes. Bref, même s’il peut donner le sentiment d’être à charge, il nous éclaire sur les enjeux de L’Âge du capitalisme de surveillance, ses dérives… Il agit à son tour comme un lanceur d’alerte, appelant à plus de régulation, de protection, de responsabilité, face à des outils qui risquent de créer des dommages irréversibles à notre civilisation, à nos démocraties… et à notre humanité.

Il semble donc inévitable de le consulter pour mieux prendre conscience de l’ampleur du phénomène.

Matthias D. – le 25 mars 2025

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